Les dysphasies

Qu’est-ce que la dysphasie ?

La dysphasie est une pathologie d’origine congénitale. C’est un trouble structurel primaire (et donc durable) de l’apprentissage et du développement du langage oral. Elle se traduit par un déficit limité uniquement au domaine langagier. Il faut donc la différencier des troubles fonctionnels (retard dans le développement du langage), qui, eux, sont réversibles.

Il existe trois grandes modalités de la dysphasie. Des symptômes généraux peuvent être associés à chacune d’entre elles.

DysphasieDescriptionSymptômes associés
Dysphasie expressiveL’expression est altérée.Paroles incompréhensibles.Mots isolés.Discours télégraphique.
Dysphasie réceptiveLa compréhension est altérée.Compréhension partielle du message oral.Manque du mot (difficultés à trouver les mots justes).Discours incohérent.Grandes difficultés à écrire.
Dysphasie syntaxiqueL’organisation grammaticale de la phrase est altérée.Mauvaise structuration des phrases.Manque du mot.Style télégraphique.

À noter : la dysphasie de développement est due à un événement qui touche certaines fonctions cérébrales d’un enfant dont le langage oral était auparavant normalement développé pour son âge.

Caractéristiques de l’enfant dysphasique

Quelle que soit le type de dysphasie, on observe généralement des difficultés à apprendre à écrire, les symptômes évoluant avec l’âge et les rééducations. Parallèlement les enfants dysphasiques apprennent à parler tardivement, ont du mal à s’exprimer et donc à se faire comprendre.

Les enfants dysphasiques ne manifestent pourtant pas :

  • de problèmes physiques (malformation des organes phonatoires, lésion cérébrale ou mauvaise audition) 
  • de manque d’intelligence 
  • de déficit sensoriel 
  • de troubles du comportement 
  • de carence affective

5 types de dysphasies sont à distinguer

La dysphasie de type phonologique-syntaxique

Cette dysphasie très répandue peut toucher aussi bien un seul domaine que plusieurs simultanément. Ainsi, on observe dans ce cas plusieurs symptômes :

  • une hypospontanéité
  • un trouble phonologique. Mots inintelligibles. Ces troubles se différencient de ceux des « retards simples » de la parole. En effet, ces derniers sont plutôt caractérisés par des simplifications, alors que les déformations faites par les enfants dysphasiques tendent vers des complexifications (leurs énoncés se complexifient)
  • parfois une dissociation automatico-volontaire. Lorsque, par exemple, la formulation d’un son est incorrecte en situation dirigée, mais est correcte en spontanée
  • des troubles praxiques oro-faciaux. Ils sont caractérisés par des difficultés à produire des sons verbaux, mais aussi à produire des gestes et leurs enchaînements
  • un trouble de l’encodage syntaxique. Il réside dans la difficulté à associer des mots alors qu’ils ont une bonne conscience de la syntaxe. Ces enfants sont très souvent « agrammatiques » (style télégraphique)
  • un vocabulaire restreint mais accessible. Il est lié à la sous-utilisation du langage et à leur difficulté conceptuelle
  • une compréhension peu perturbée. Elle ne doit pas être négligée. En effet, ces enfants ont pris l’habitude de comprendre beaucoup par le contexte. Leur niveau de compréhension est lié à la restriction de leur vocabulaire, un problème de mémoire verbale immédiate, des difficultés conceptuelles
  • une bonne « pragmatique » du langage. Le langage est informatif. Ce qu’ils disent à minima n’est pas déviant. Ils pallient par la mimique gestuelle ou faciale
  • des troubles de l’expression orale avec de la difficulté à prononcer les sons 
  • les mots prononcés restent incompréhensibles jusqu’aux 7 ans de l’enfant, au moins 
  • des difficultés à associer les gestes avec les mots 
  • le langage et le vocabulaire sont pauvres 
  • le discours est haché, en style télégraphique 
  • les mots sont associés de manière aléatoire dans la phrase : agrammatisme
  • un manque du mot (difficulté ou impossibilité à prononcer le mot adapté) 
  • parfois une agnosie verbale : incapacité à comprendre les mots entendus
  • les notions de temps et d’espace sont difficiles à comprendre 
  • la mémoire verbale immédiate est mauvaise 
  • la compréhension des différents niveaux de discours (les jeux de mots, les notions abstraites…) est difficile ; en revanche, la compréhension d’un message simple est bonne

Dans ce type de dysphasie, l’apprentissage du langage écrit est possible, mais il reste limité, et les difficultés d’orthographe sont importantes.

EVOLUTION : Ils restent inintelligibles jusqu’à l’âge d’au moins 7/8 ans. Les difficultés massives sur le plan scolaire restent longtemps perturbés. Leur expression écrite reste limitée. A l’âge adulte, l’articulation est marquée, la syntaxe est souvent simple, les difficultés orthographiques persistent. Il ne faudra pas perdre de vue qu’ils peuvent continuer à avoir des difficultés à comprendre le langage élaboré (les publicités, les jeux de mots, les titres de journaux, les notions abstraites). L’utilisation du correcteur orthographique, voire d’un prédicteur de mots est un bon moyen de compensation.

La dysphasie de type production phonologique

Les difficultés sont essentiellement expressives.

  • Pas de réduction. Après stimulation, ce sont des enfants qui parlent normalement
  • Défaut d’intelligibilité
  • Troubles praxiques oro-faciaux. Ils sont variables. les difficultés se situent au niveau de l’enchaînement des gestes
  • Troubles de l’encodage syntaxique. Les productions sont de type dyssyntaxique
  • Manque du mot. Il se manifeste par des conduites d’approche ou des « évitements » de situation de communication verbale
  • Bonne compréhension verbale
  • Le langage est informatif
  • Trouble de la concaténation. Ce sont des difficultés au niveau des enchaînements des tâches séquentielles
  • Troubles associés. ils peuvent rencontrer des difficultés graphiques et des troubles visuo-constructifs

La dysphasie phonologique se traduit essentiellement par :

  • une expression altérée par une déformation des phonèmes (la personne est difficilement intelligible) 
  • la possibilité de répéter des phonèmes isolés mais pas de les prévoir 
  • des difficultés à enchaîner les gestes et les séquences

En revanche, la compréhension est relativement normale et la syntaxe potentiellement correcte.

À noter : Ces dysphasiques sont conscients de leurs difficultés.

EVOLUTION : Ces enfants ont une grande conscience de leur trouble. La communication orale et écrite s’améliore sur le plan verbal (la phonologie est meilleure, mais la difficulté à trouver leur mot persiste ; ils ont moins de difficultés dans les notions abstraites) et sur le plan écrit, on note une dysorthographie plus ou moins importante.

À terme, on peut obtenir une bonne amélioration de la communication orale et écrite, quoiqu’on observe toujours une importante dysorthographie. On peut aussi, peu à peu, parvenir à faire comprendre des notions abstraites.

La dysphasie réceptive ou par agnosie verbale

Les difficultés se situent principalement au niveau du décodage. Cette forme grave de dysphasie se traduit par :

  • Trouble phonologique. Petits, ils sont inintelligibles. Ils ont du mal à différencier certains sons : ils n’ont pas d’image auditive claire et précise
  • Trouble de l’expression syntaxique. Leur langage devient dyssyntaxique en situation dirigée
  • Manque du mot. Ces enfants ont du mal à trouver leur mot aussi bien en situation dirigée qu’en spontanée
  • Trouble important de la compréhension
  • Leur langage est peu informatif. Leur discours est incohérent et redondant

Cette forme grave de dysphasie se traduit par :

  • une incapacité à reconnaître les sons du langage malgré une audition normale, ce qui entraîne un comportement d’enfant sourd 
  • une parole réduite voire absente (la communication s’effectue par mimiques, gestes et onomatopées) 
  • un vocabulaire pauvre
  • une angoisse, voire une agressivité due à l’impossibilité de communiquer

Chez ce type de dysphasiques, il y a un risque de repli autistique et d’évitements.

EVOLUTION : Au fil des années, ils vont utiliser des compensations. Le déficit au niveau du vocabulaire persiste. Ces enfants sont rivés au concret. Le langage écrit reste longtemps non-fonctionnel.

En général, le manque de vocabulaire persiste. De même, ces patients utilisent peu le langage écrit (qui aura été très difficile à acquérir). Enfin, l’abstrait reste une notion floue.

La dysphasie lexicale-syntaxique

ou mnésique

ou lexico-sémantique

  • Pas d’hypospontanéité
  • Pas de trouble phonologique
  • Pas de troubles oro-faciaux
  • Manque du mot. Ces enfants sont en permanence à la recherche de leurs mots et de la structure de leurs phrases
  • Trouble de l’expression. Informativité et syntaxe sont perturbés
  • Trouble de la compréhension. Il est dépendant de la longueur des énoncés

En cas de dysphasie lexico-sémantique on observe :

  • des difficultés à trouver les mots 
  • des troubles de la compréhension du langage oral ou écrit 
  • un apprentissage de l’écrit relativement laborieux 
  • de façon générale, des difficultés à :
    • dénommer 
    • élaborer un récit 
    • le commenter

En revanche, la compréhension est correcte, de même que la répétition et le langage spontané.

Par ailleurs, on distingue deux types de dysphasie lexico-sémantique :

  • La dysphasie anomique dyssyntaxique avec :
    • manque du mot 
    • déviances syntaxiques persistantes 
    • compréhension qui semble normale mais qui ne l’est pas
  • La dysphasie anomique normosyntaxique : mêmes caractéristiques que la dysphasie anomique dyssyntaxique, mais on observe habituellement une meilleure maîtrise :
    • de la syntaxe 
    • de la phonologie

EVOLUTION : Ces enfants apprennent à lire, mais restent gênés par leur problème de mémorisation et par leurs difficultés à trouver leurs mots.

La dysphasie sémantique-pragmatique

ou « cocktail syndrome party »

C’est en situation dirigée que l’on relève :

  • Un choix de vocabulaire adéquat
  • Un trouble de compréhension
  • Un trouble de l’informativité

Dans ce type de dysphasie, on constate que :

  • le langage est peu informatif 
  • le discours n’est pas adapté au contexte : il est plaqué sans être véritablement compris
  • le patient présente des troubles de la compréhension dans divers domaines :
    • langage : questions ouvertes, métaphores, consignes complexes
    • tâches à réaliser 
    • situations inhabituelles (y compris en société)

En revanche, la mémoire auditive est excellente. De même, la répétition et la parole en général sont bonnes et le vocabulaire relativement riche.

Toutefois, si cette dysphasie prend également le nom de « cocktail syndrome party », c’est parce qu’elle se complète par une série de troubles associés :

  • des troubles de la pensée (il est difficile de comprendre les notions abstraites) 
  • des difficultés à classer en catégories ou à ordonner les lettres par exemple 
  • des difficultés à s’orienter dans l’espace et dans le temps avec des troubles de la planification 
  • une mémoire verbale déficiente 
  • des troubles de l’attention

EVOLUTION : Le discours restera marqué par l’utilisation de formes plaquées.

À terme, le discours risque de rester marqué par les répétitions et par l’expression de blocs de mots figés.

Comportement de l’enfant dysphasique

Les attitudes de l’enfant dysphasique sont caractéristiques :

  • Nourrissons silencieux (absence de babillements…).
  • Les sons émis ne sont pas mélodieux.
  • Pas de réaction aux bruits, à la voix.

Au niveau de la communication avec les autres, les symptômes sont également reconnaissables :

  • Aucune communication.
  • Aucun intérêt pour les autres.
  • Aucun contact avec le regard (regard évitant).
  • Postures anormales.

Les capacités cognitives de l’enfant permettent aussi de repérer une dysphasie :

  • Passivité.
  • Aucune attirance pour les jeux.
  • Troubles du comportement.
  • Développement retardé.

Dysphasie et développement du langage chez l’enfant

Le développement du langage est en conséquence altéré. Le tableau ci-dessous détaille les comportements significatifs d’un enfant dysphasique selon les âges.

Quand ?Généralement, apparition des symptômes : entre 2 et 4 ans ; à l’âge adulte suite à un traumatisme.
Pourquoi ?Hérédité. Défaillance du système nerveux. Conséquence d’un choc physique ou émotionnel.
Facteurs aggravantsFacteurs psychologiques (peur, gène, manque de confiance en soi…). Appréhension de prononcer certains mots, peur de bégayer. Agressivité due à la frustration de ne pas parvenir à se faire comprendre. Trouble psychoaffectif, en réaction au manque de compréhension des difficultés de la dysphasie par l’environnement.

Si l’enfant parle, d’une manière générale :

  • Son discours peut être décalé : il ne répond pas à la question.
  • Il peut présenter une logorrhée : besoin constant de parler.
  • Il peut présenter une écholalie : répétition des derniers mots prononcés par l’interlocuteur.

Diagnostic de dysphasie

Le diagnostic ne peut être posé qu’après :

  • une consultation médicale permettant d’écarter d’autres pathologies (maladies neurologiques notamment) 
  • un bilan logopédique 
  • un bilan psychométrique 
  • un entretien avec la famille, qui fournit des informations précieuses sur le comportement quotidien et exceptionnel du dysphasique

Des examens complémentaires sont indispensables pour s’assurer qu’il s’agit bien d’un trouble primaire (c’est à dire qu’il ne découle pas d’un autre trouble tel qu’une déficience intellectuelle par exemple).

À noter : Des plateformes de coordination et d’orientation pour les enfants présentant un trouble du neuro-développement se mettent progressivement en place. Ces plateformes visent à accueillir les jeunes enfants, pour lesquels un parcours de soins coordonné doit rapidement être engagé.

Prise en charge des dysphasiques

Avant 4 ans

Une consultation avant l’âge de 4 ans ne sera pas très concluante, car l’enfant est alors toujours en période d’évolution. Cependant l’enfant pourra être considéré comme un sujet présentant des risques d’incapacité langagière et/ou des troubles persistants du langage.

Les parents seront alors guidés et conseillés par le.la logopédiste afin de favoriser le développement du langage de leur enfant.

Après 4 ans

Après 4 ans, le.la logopédiste effectue un bilan du développement langagier. Il.Elle détermine ainsi la nature des difficultés de l’enfant. La rééducation logopédique est dans tous les cas indispensable, et outre le fait qu’elle doit être précoce, elle doit aussi être intensive (c’est-à-dire au moins trois séances par semaine).

Il.Elle pourra, de même, conseiller une consultation chez un psychologue ou un ergothérapeute, qui pourront peut-être répondre à d’autres besoins de l’enfant.

Si la dysphasie est avérée, il faudra également orienter l’enfant et les parents vers des centres et des éducateurs spécialisés.

Au quotidien

Il est important de faire en sorte de développer le plus possible les compétences de l’enfant. Cela passe par mettre l’accent sur :

  • les activités de groupe 
  • les activités artistiques (création, expression corporelle, jeux de rôle, etc.) 
  • les exercices destinés à faire progresser l’orientation spatiale et les notions de temps (chronologie) 
  • la valorisation des réussites et l’encouragement des efforts

À l’école

En milieu scolaire, l’enseignant fait en sorte, au maximum :

  • de se placer en face de l’enfant ;
  • de s’adresser directement à lui en essayant d’adapter son langage (il s’agit d’utiliser un discours minimal mais efficace, par exemple poser des questions simples ne comportant qu’une seule information) ;
  • de lui laisser le temps de comprendre, ce qui suppose de :
    • parler plus lentement ;
    • bien articuler et séparer les mots ;
    • reformuler au besoin ;
    • décomposer les énoncés complexes et les consignes.
  • d’utiliser des gestes, des illustrations, des schémas (notamment pour les notions abstraites ou spatio-temporelles) ;
  • d’éviter l’humour et les métaphores ;
  • dans la mesure du possible, de sélectionner des thèmes susceptibles de l’intéresser ;
  • de proposer des activités d’apprentissage ludiques.

Dans l’idéal, il faudrait pouvoir mettre en place des codes de couleur ou des repères permettant à l’enfant de mieux comprendre et de développer ses capacités.

Tout ce travail doit être fait en collaboration avec le.la logopédiste qui suit l’enfant.

À noter : cette approche est difficilement réalisable dans une classe où les élèves sont nombreux et avec des programmes scolaires chargés.

Prise en charge complémentaire de la dysphasie

Il est également possible d’avoir recours à des thérapies complémentaires dans le cadre de la dysphasie. En effet, plusieurs études ont prouvé que l’apprentissage du langage faisait simultanément appel à plusieurs sens :

  • audition : sons perçus 
  • vision : mouvements des lèvres 
  • toucher : mouvement et contact de la langue et des lèvres

L’apprentissage du langage nécessite donc une synchronisation spatio-temporelle, de manière à faire le lien entre ce que l’on sent (via nos organes des sens) et ce que l’on observe et entend. Ce n’est que lorsque cet ensemble d’informations est cohérent et que le cerveau est capable d’interpréter le langage que l’apprentissage se fait.

Ainsi, une thérapie mettant l’accent sur la perception spatio-corporelle aidera grandement les patients dysphasiques, dans la mesure où ceux-ci présentent des troubles de la motricité fine et/ou une dyspraxie. Les thérapies les plus appropriées sont donc l’ostéopathie et la kinésiologie. L’une comme l’autre sont capables de réaliser un traitement proprioceptif et une reprogrammation posturale, en cas de whiplash injury notamment.

Au final, ces approches permettront de restaurer le lien que l’enfant peut faire entre ce qu’il perçoit de son environnement et ses propres perceptions corporelles, Elles sont donc très complémentaires d’une prise en charge logopédique plus classique.

AAD France ooreka orthophonie

PEDAGOGIE & DYSPHASIE